30 septembre 2011

Droit de réponse (=>D.Seux)

Je rebondis sur les trois derniers points de la chronique de Dominique Seux :

- Notre établissement est de taille modeste pour un collège+lycée (600 élèves), et les élèves ne sont pas réputés "difficiles". Pour autant, je ne pense pas que nous pourrions supporter un taux d'encadrement plus faible (exemples de classes chez nous : 30 élèves en 5ème, 35 élèves en 2nde, 37 élèves en 1°ES). La quantité d'élèves, même relativement "civils", a un impact direct sur le temps de parole dont chacun d'eux dispose en cours, et sur l'attention que le prof peut leur consacrer pour vérifier que les notions sont apprises et comprises. Pédagogiquement ce n'est pas bon (de mon point de vue) ; et cela ne peut pas aller dans le sens de la "personnalisation" prônée par le ministère à l'occasion de la réforme du lycée. 

- Les seuls cours où les élèves sont moins nombreux sont effectivement les options ou enseignements de spécialité (Exemple : chez nous 10 élèves en spé maths en 1ère L). C'est un avantage pour le prof et pour les élèves, mais cela rend fragile l'option, d'une année sur l'autre, dans la mesure où le rectorat peut décider de fermer un groupe en-deçà d'un certain effectif. Une solution consiste à travailler en réseau d'établissements (avec des projets éducatifs proches). C'est ce que nous faisons avec un lycée situé dans le même arrondissement que nous : certaines options sont chez nous, d'autres chez eux. Cela a pour avantage de "rentabiliser" un prof. Du côté des contraintes : les profs de ces options n'assistent pas aux conseils de classe, et la gestion des emplois du temps des élèves concernés est délicate, car ils sont amenés à se déplacer entre deux lycées en début ou en fin de journée => Fatigue et perte de temps. 

- Je n'ai absolument pas l'impression de voler mon salaire, en terme de temps de travail. Je ne suis peut-être pas un bon exemple, mais je consacre toujours la moitié de mes vacances (dans l'année et l'été) à travailler. Corrections de copies, préparations de cours, sujets TP, devoirs. Et cela n'évite absolument pas d'avoir du travail le soir et le week-end (ça le répartit un peu mieux). Sur la question du salaire, je suis assez partagée à cause de tout ce qu'on entend, mais globalement, je trouve ça "limite" qu'un prof qui a 6 ans d'ancienneté, ait un salaire qui permette seulement de financer la location d'un logement de 20 m² en proche banlieue parisienne, sans avoir une épargne démentielle. La génération de nos parents n'avait pas la même pression financière, je trouve. En vrac quelques on-dit :
"Les profs sont payés 10 mois, répartis sur 12"

"Au passage des 35h, les profs n'ont vu aucun changement dans leur travail parce qu'ils étaient déjà en-dessous des 35h" (... de cours certes, de travail c'est largement faux). 

"On nous demande de plus en plus (suivi des élèves, tutorat, innovation avec les TICE, RDV d'orientation etc.) et on n'est pas payé plus". 

"Regardez l'évolution du SMIC/RSA depuis 15 ans, et comparez-le à l'évolution du salaire d'un prof, vous serez surpris."  

Je sais bien que la France n'a pas les moyens de mieux payer ses profs, mais j'aimerais qu'on arrête de nous taper dessus en faisant croire que nous sommes des privilégiés. [Je prête à qui veut mes élèves de 5ème le vendredi en fin de journée par 30°C] 
La campagne de recrutement de l'éducation "17000 profs à recruter" m'a choquée dans la mesure où le gouvernement oubliait de dire que normalement ce sont 34000 postes qui sont pourvus chaque année !! 

De même, la manipulation des chiffres (ou disons la présentation harmonieuse...) sur les moyens consacrés à l'Education m'énerve : le ministre dit "on dépensait moins avant, pour de meilleurs résultats".
Mais les élèves ne sont plus les mêmes ! Et on ne dépense pas toujours utilement (à quoi sert d'équiper certains élèves d'iPad, sans SAV ?? Ne vaut-il pas mieux créer un groupe de soutien en Français ?). 
Et puis par rapport aux autres pays de l'OCDE, le budget éducation n'augmente pas forcément aussi vite. 

Bref, je râle rarement sur ce blog, mais là, à un an des présidentielles, j'espère que le débat sur l'éducation sera intéressant et réaliste (pas de démagogie, pas de promesses qui ne seront pas tenues...).

6 commentaires:

Sonia Marichal a dit…

Bon, mais faut pas croire, j'aime ce que je fais, et je savais que l'argent ne serait pas le principal atout de ce métier.

Bon, je file, j'ai 67 copies de 2nde qui m'attendent !

Loïc a dit…

C'est intéressant d'avoir le point de vue concret du prof. Merci (et bon courage pour tes copies) !

Agnès a dit…

Hmmm... Intéressant :)
Je suis d'accord avec toi que le nombre d'élèves par classe est déjà limite pour la façon actuelle d'enseigner... ce qui n'empêche pas de réfléchir à d'autres façons. De même, d'ailleurs, pour la quantité de travail. En travaillant plus en équipe par exemple, des profs pourraient gagner du temps, temps qui pourrait être consacré aux élèves d'autres façons.
Disons que réduire le nombre d'encadrants sans rien changer d'autre me parait absurde, mais cela n'empêche pas de réfléchir à d'autres choix (et comptabiliser les heures de travail et non les heures de cours est une possibilité).

Pour finir, je ne crois pas que la France n'ait "pas les moyens" de s'offrir un système éducatif de qualité. Ce n'est pas le choix du gouvernement élu actuel, et ce dès le début (la promesse de baisser le nombre de fonctionnaires était un des arguments de campagne). Le choix inverse pourrait être cohérent :)

A-C a dit…

Je pense qu'un des soucis est que le mérite n'est pas du tout assez pris en compte. Pour augmenter son salaire en taux horaire, un prof n'a donc comme seule solution de moins bosser (en préparation de cours notamment). Le système est donc perverti car il n'incite pas les profs à être performants. Je suis d'accord avec toi sur le fait que les ressources sont inégalement (et parfois connement) réparties.
Et d'accord aussi avec Agnès sur le travail en équipe qui pourrait faire gagner du temps (à condition qu'il n'y ait pas une bonne poire exploitée et tous les autres qui se la coulent douce...).

Anonyme a dit…

Merci, Sonia, de cette réflexion partagée. Je crois que le point essentiel est la question de la répartition des moyens affectés à l'éducation nationale, dont les enseignants ne sont évidemment pas responsables. IL n'y a pas de raison que la France ait (PISA) des résultats moins bons que d'autres pays, avec des moyens supérieurs. je suis entièrement d'accord (et je l'ai déjà dit) pour souligner que les enseignants sont mal payés au regard de leur grande qualification et du prix des logements, qui est devenu depuis quelques années la vraie cause d'inégalités et de "fracture sociale". Merci, donc, d'avoir souligné en rouge (clair quand même) ma copie :)Je suis également d'accord avec A-C
Dominique

RuBisCO a dit…

Bravo Sonia d'utiliser aussi ce blog pour t'exprimer sur des sujets plus "personnels". Et ça fait du bien de râler de temps en temps !

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